Activisme – C’est le nouveau mot à la mode dans le capitalisme français !
Aujourd’hui tout investisseur qui s’invite au capital d’une société cotée devient un activiste.
Dernier en date : Xavier Niel.
Pourtant le principe même de coter son entreprise, de créer de la liquidité sur les actions, d’en dégager une valeur de marché qui donne la valkeur de l’entreprise, de pouvoir lever des fonds, se fait en contrepartie de la liberté d’investir.
Le sellier HERMES s’en est souvenu en 2010 lors de l’entrée surprise (et peu compliant) de LVMH à son capital.
Pendant longtemps les activistes étaient considérés comme des agitateurs qui faisaient du bruit autour d’un dossier, tout en dénonçant souvent des pratiques, et cherchaient à spéculer soit avec un effet mouton de Panurge qui suit un mouvement ce qui fait monter le titre, soit en vendant à découvert le titre (short seller) et en annonçant les mauvaises nouvelles.
Aujourd’hui, beaucoup d’investisseurs sont taxés d’activisme (par opposition avec un camp légitimiste) alors qu’ils sont des investisseurs de long terme (Amber Capital dans Lagardere ou SUEZ), des investisseurs qui s’attaquent à la corporate governance (le fonds Eliott dans Pernod Ricard ou Ciam chez SCOR ou SUEZ), ou des investisseurs qui pensent qu’une autre stratégie est possible (Léon Bressler associé à Xavier Niel et Susana Gallardo dans le dossier Unibail Rodamco Westfield).
La conjonction de la crise qui a affaibli certaines activités plus que d’autres et qui a fait chuter les valeurs (par effet mécanique d’une détérioration de l’EBITDA ou par baisse du multiple) avec un niveau un niveau hors norme de liquidités crée des opportunités inédites.
Au-delà des aspects financiers, cela pose le problème de la corporate governance et de la représentativité des actionnaires au sein des boards.
On atteint la limite de la surreprésentation des administrateurs indépendants, et cela pose en toile de fond la question de l’intérêt social de l’entreprise, notion si peu et si mal définie par la jurisprudence.
Une entreprise appartient-elle à ses actionnaires ou bien finalement l’actionnaire n’est-il qu’un investisseur muet détenteur d’actions ou bien un actionnaire qui possède un bout de l’entreprise ?
Le vrai débat va certainement se situer là dans les prochains mois.
A force de ne mettre que des administrateurs indépendants, il y a une tendance certaine pour les administrateurs à ne pas agir en fonction des remarques des actionnaires et a ne pas les représenter.
Le Tribunal de Commerce a d’ailleurs, dans sa décision sur Lagardere vs Amber et Bolloré, à bien distinguer l’intérêt social de l’entreprise qui n’est pas celui des actionnaires.
Le débat est intéressant et mérite d’être poussé juridiquement.
Cela signifie aussi que beaucoup d’investisseurs feront le choix d’être impliqués au sein des boards (ce que beaucoup refusent généralement pour être libres d’intervenir sur le titre notamment lorsqu’il s’agit d’investisseurs financiers).
On peut aussi se poser la question de la légtimité des boards non actionnaires à refuser l’entrée dans les conseils des principaux actionnaires ou des plus significatifs : ils n’en ont ni le pouvoir, ni la légitimité.
Les actionnaires décideront, et finalement la succession des oppositions n’aura fait que renforcer leurs pouvoirs.
Clairement, les tabous sont tombés, les grands barons du capitalisme et de l’establishment se sentent désormais libres d’exercer leurs prérogatives d’actionnaires, d’imaginer des stratégies alternatives, et de transformer chaque assemblée générale en un vote, pas seulement pour les rémunérations du management (say on pay), mais de plus en plus sur les stratégies et sur les dirigeants et administrateurs.
Avec des scores traditionnels dignes d’élections de pays totalitaires, les mandataires sociaux avaient oublié qu’ils étaient révocables ad nutum, et comme toutes sociétés ne sont pas comme Lagardere en commandite par action, les dirigeants vont devoir apprendre un autre exercice de gestion de crise : celui de gérer leurs actionnaires, principalement ceux que l’on n’a pas envie d’avoir à son capital…
Force est de constater que jusqu’à présent les dirigeants des sociétés cibles n’ont pas vraiment excellé dans cet exercice …
Même le charismatique Emmanuel Faber, chantre du sociétal, s’est fait chahuter dans son propre conseil pour revenir davantage sur les problèmes de Danone plutôt que sur les problèmes sociétaux du monde.
Cela sonne le glas également de l’entresoi, des petits arrangements entre amis, et de la légitimité d’un dirigeant ou d’un conseil qui ne tiendrait qu’à sa seule appartenance à l’establishment.
Finalement, la création de valeur par les dirigeants et les conseils d’administration va être à l’ordre du jour, et c’est là-dessus qu’ils seront jugés.
Cela poussera à une meilleure représentativité dans les conseils d’administration et à un meilleur équilibre avec les administrateurs indépendants qui apportent des expertises différentes et complémentaires.
IHEGC – Arnaud Marion
27 octobre 2020